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OQTF, IRTF, ENFANT DE NATIONALITE FRANCAISE

Le 27 mai 2025
Un étranger, parent d’un enfant de nationalité française, peut-il faire l’objet d’une OQTF sans délai ?

Un étranger, parent d’un enfant de nationalité française, peut-il faire l’objet d’une OQTF sans délai et d'une IRTF alors même alors même que le refus de séjour qui fonde l’OQTF fait l’objet d’un recours pour en contester la légalité ?

 

En date du 18 février 2025, Maître Mélody OLIBÉ a obtenu l’annulation par le Tribunal administratif de PARIS d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination vers lequel le requérant sera éloigné et d’une interdiction de retour sur le territoire français de 24 mois. Maitre Mélody OLIBÉ a obtenu en conséquence, la libération immédiate du requérant placé en centre de rétention administrative.

 

En effet, le requérant a fait l’objet d’un refus de titre de séjour en janvier 2024, refus basé sur de précédentes condamnations datant de plus de dix ans, alors même qu’il avait été titulaire d’un document de circulation pour mineur et de titres de séjour depuis son arrivée en France en 1999 lorsqu’il était mineur.

 

Le Conseil du requérant, Maître OLIBÉ a alors formé un recours en annulation auprès du Tribunal administratif compétent. Ledit recours est toujours en cours d’instruction depuis près d’un an et la légalité du refus de séjour n’a pas été examiné.

 

Le requérant est de fait en situation irrégulière sur le territoire français dans la mesure où un refus de séjour lui a été opposé et son dernier récépissé a expiré.

 

À la suite d’un placement en garde à vue, le requérant s’est vu notifier début février 2025 une obligation de quitter le territoire français sans délai, une décision fixant le pays de destination et une décision lui interdisant le retour sur le territoire français de 24 mois. Le requérant a également fait l’objet d’une décision de placement en centre de rétention administrative aux motifs qu’il ne détenait pas de document d’identité en cours de validité et qu’il ne disposait pas d’un domicile fixe et stable. De fait, selon la Préfecture de Police, un risque de fuite était envisagé.

 

Une requête en annulation a été formé devant le Juge des libertés et de la détention pour contester le placement en centre de rétention administrative. Mais le requérant a vu son placement prolongé.

 

Un recours en annulation a également été formé devant le Juge administratif pour contester les légalités externe et interne des décisions l’obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour en France durant 24 mois (OQTF sans délai, IRTF).

 

Les arguments du Conseil du requérant étaient les suivants :

 

-            Le requérant est père d’un enfant français, scolarisé sur le territoire français et pour lequel il contribue seul à l’entretien et à l’éducation ; il est alors possible de mettre en avant les dispositions de l’article 3.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »

 

Il a également été rappelé par le Président du Tribunal administratif que la Convention internationale des droits de l’enfant prévalait, conformément à la hiérarchie des normes et à la Pyramide de Kelsen, sur toutes lois nationales dont la loi immigration 2024 dite « Loi DARMANIN ».

 

-            Le requérant dispose d’un domicile fixe et stable puisqu’il est hébergé avec son enfant chez un membre de sa famille ;

 

-            Le requérant dispose également d’un passeport en cours de validité ;

 

-            Un recours contestant la légalité du refus de séjour est en cours d’instruction auprès du Tribunal administratif, refus de séjour sur lequel se fonde l’OQTF sans délai ; il est alors possible de mettre en avant la violation du droit au recours effectif, droit garanti par les dispositions de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

 

En effet, il ressort des dispositions de l’article 16 de la DDHC que tout citoyen a droit au recours assurant la garantie des droits et libertés, a droit à un recours juridictionnel effectif et à un procès équitable et en ce sens que le justiciable soit mis à même de faire valoir ses droits (CC, 13 août 1993, no 93-325 DC ; CC, 27 juill. 2006, no 2006-540 DC § 11 ; CC, 13 août 1993, no 93-325 DC § 63 et 87 ; CC, 13 mai 2011, Sté Système U Centrale nationale et a., no 2011-126 QPC § 9).

 

Les dispositions de l’article 13 combinées aux dispositions de l’article 8 de la CESDH, s‘agissant d'éloignements d'étrangers contestés sur la base d'une atteinte alléguée à la vie privée et familiale, précisent que l'effectivité ne requiert pas que les intéressés disposent d'un recours de plein droit suspensif.

 

Il n'en demeure pas moins qu'en matière d'immigration, lorsqu'il existe un grief défendable selon lequel une expulsion risque de porter atteinte au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale, le présent article combiné avec l'article 8 de la CESDH exige que l'État fournisse à la personne concernée une possibilité effective de contester la décision d'expulsion ou de refus d'un permis de séjour et d'obtenir un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates des questions pertinentes par une instance interne compétente fournissant des gages suffisants d'indépendance et d'impartialité. (CEDH, gr.ch., 13 déc. 2012, De Souza Ribeiro c/ France, no 22689/07 § 83)

 

-            Les précédentes condamnations du requérant dataient de plus de 10 ans d’ancienneté et les signalements ou les mentions au fichier des antécédents judiciaires ne pouvaient servir à caractériser la menace à l’ordre public ;

 

-            Le requérant a fait l’objet d’un avis favorable de la Commission du titre de séjour, Commission indépendante et impartiale qui a conclu à la réinsertion totale du requérant dans la société, ce qui a motivé ledit avis favorable.

 

Cependant, le Tribunal n’a examiné et statué qu’un seul des arguments : celui de l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément à l’article 3-1 de la CIDE, alors même que le Tribunal aurait dû retenir l’argument combinant les articles 8, 13 de la CESDH et 16 DDHC.

 

Selon le Tribunal : « La décision attaquée aurait pour effet de séparer durablement [le requérant] sa fille et pour cette dernière d’être privé de tout contact parental. Pour ce motif, elle porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et a méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l’enfant. »

Compte tenu de l’argument précité et sans examiner les autres moyens de la requête, le Président du Tribunal administratif de PARIS a fait droit à la demande formulée par Maître Mélody OLIBÉ. L’arrêté par lesquelles Monsieur le Préfet de Police a obligé le requérant à quitter le territoire français, lui a refusé l’octroi d’un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination vers lequel il sera éloigné ainsi que l’arrêté du même jour par lequel le Préfet a pris l’encontre du requérant une décision d’interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de vingt-quatre mois ont été annulés.

 

Par ailleurs, Maitre Mélody OLIBÉ a obtenu le réexamen de la situation du requérant dans un délai de trois mois suivant ledit jugement ainsi que la délivrance d’une attestation provisoire de séjour dans cette attente.

 

Enfin, Maitre Mélody OLIBÉ a également obtenu la condamnation de l’Etat à la somme de 1 200,00 euros sur le fondement des dispositions l’article L.761-1 du Code de justice administrative.

 

En conclusion, un étranger, parent d’un enfant de nationalité française et dont il s’occupe seul, ne peut faire l’objet d’une OQTF sans délai de départ volontaire et d’une IRTF dans la mesure où cette décision porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et a méconnu les stipulations précitées de la Convention internationale des droits de l’enfant.